Les Juifs en Ariège

1. Les Juifs en Ariège en 1939

L'Ariège ne comptait, avant guerre, qu’une communauté juive, dépourvue de synagogue et ne regroupant que quelques dizaines de personnes travaillant, pour la plupart, dans le secteur du textile autour de Lavelanet. Ces Juifs ariégeois, installés de longue date, étaient bien intégrés et se distinguaient peu du reste de la population. Contrairement à d’autres régions, l’Ariège n’avait pas connu de forte montée de l’antisémitisme dans les années d’entre deux guerres et la population locale restait globalement peu concernée par l’antisémitisme.
En Octobre 1940, l’arrivée de nombreux réfugiés fuyant l’armée allemande fait passer le nombre de Juifs résidant en Ariège de 900 à 1500 personnes. Beaucoup d’entre eux sont étrangers et ne peuvent retourner dans leur pays après la signature de l’armistice.

 

2. La mise en place des mesures discriminatoires par Vichy

Le statut des Juifs est mis en place dès le 3 octobre par Vichy. Cela entraîne notamment l’exclusion des Juifs de la fonction publique.
Dès le mois de novembre 1940, les réfugiés de nationalité allemande et autrichienne, parmi lesquels on compte une forte proportion de Juifs, sont internés au camp de Gurs tandis que des juifs polonais sont envoyés au camp d’Agde.
Les Juifs présents en Ariège sont très majoritairement étrangers (177 français pour 828 étrangers) d’après le grand recensement prévu par une loi du 2 juin 1941. Celui-ci étant issu d’une déclaration des intéressés eux-mêmes et bien qu’ils s'y soient conformés, pour la plupart de bonne grâce, les chiffres obtenus sont nécessairement sous-évalués.
Les Juifs sont également confrontés à la politique d’aryanisation de l’économie c'est-à-dire à la spoliation de leurs biens. Ainsi 18 entreprises sont confiées à des administrateurs provisoires.
Dans l’ensemble, cette politique mise en œuvre avec réticence et ne touchant qu’un petit nombre de familles n’eut, en Ariège, qu’un impact limité sur la communauté juive.

 

3. Aulus les Bains, centre d’assignation à résidence

En janvier 1942, le gouvernement de Vichy décide d’assigner à résidence les Juifs étrangers entrés sur le territoire national après le 1er janvier 1936.
Aulus les Bains est choisie pour être l’un de ces lieux d’assignation à résidence. La capacité d’hébergement des nombreux hôtels de la station thermale et son isolement géographique, en fond de vallée, expliquent ce choix de l’administration préfectorale.
600 à 700 personnes environ de 18 nationalités se retrouvent contraintes de vivre, à leurs frais, dans un village de montagne.

 

4. La rafle du 26 août 1942

Le 8 août 1942, le premier train partait du Vernet en direction d’Auschwitz avec, à son bord, des Juifs raflés dans la région par la police française et le 26 août, la police de Vichy conduit une rafle de grande ampleur dans l’ensemble de la Zone Sud. Beaucoup de ceux qui étaient visés à Aulus parviennent à s’enfuir. 45 enfants Juifs accueillis par la Croix-Rouge Suisse au château de la Hille sont sauvés par l’action énergique des responsables locaux de la Croix-Rouge et les pressions du gouvernement suisse qui menace de ne plus accueillir sur son sol les soldats allemands en convalescence. Le convoi à destination d’Auschwitz, qui part du camp du Vernet devenu à cette occasion camp de transit, compte 253 juifs.

 

Cet évènement tragique a pour conséquence un réveil des consciences. La population française s’indigne du sort réservé aux Juifs, de l’arrestation des femmes et des enfants, de la chasse à l’homme conduite par la police française. Le mécontentement est si fort que Laval annule les autres rafles prévues les mois suivants.

Pour de nombreux Juifs fuyant les territoires occupés par les nazis, l’Ariège est d’abord apparue comme un refuge malgré les lois discriminatoires promulguées par le gouvernement de Vichy. Pourtant la politique de rassemblement des Juifs au camp du Vernet et à Aulus les Bains s’est révélée être le prélude à la Déportation vers les camps d’extermination.

 

5. Les sauvetages

Le choc causé par la rafle d’août 1942 fait prendre conscience à de nombreux Ariégeois que les Juifs exposés à une répression particulièrement cruelle en des temps où tous connaissaient des difficultés, devaient être aidés et protégés. Sans même savoir que ces malheureux étaient envoyés à la mort, des hommes et des femmes ont fait le choix de s’opposer à la loi de l’État français et à l’occupant au risque de leur vie. Certains leur ont offert un refuge, des fonctionnaires ont fabriqué des faux papiers, des paysans se sont faits passeurs.
Il est difficile de faire un bilan précis du nombre de victimes de la politique d’extermination nazie en Ariège car l’écrasante majorité des Juifs déportés depuis l’Ariège n’en était pas originaire tout comme ceux qui se sont enfuis à travers la montagne pour trouver refuge en Espagne.